On ne peut décidemment pas rater l’exposition Tattoo du Museum für Kunst und Gewerbe d’Hambourg : en ville les affiches au titre orange fluo sont partout et une fois dans le musée d’immenses portraits de tatoué.e.s dans l’escalier servent d’objets d’appel et mènent à l’entrée. Déjà dans l’ambiance, j’entre.
Face à moi, 2 sculptures tatouées sous le titre de l’exposition. On entre dans le vif du sujet en commençant par les tatouages traditionnels de certains peuples. Evidemment j’adore, c’est de l’ethno :) et puis ça rappelle si nécessaire que le tatouage est un art ancien ! Pour parfaire le tableau, un des top extraits de « Tristes Tropiques » qui m’avait marqué quand j’ai enfin réussi à finir ai lu le livre est imprimé sur le mur.
Le propos se poursuit dans une grande salle à gauche. Femmes tatouées, premiers tatoueurs d’Hambourg, dockers aux mines patibulaires, on parle ici de l’histoire du tatouage et des tatoueurs particulièrement en Allemagne et particulièrement à Hambourg, port aidant ! Ancres, symboles religieux, portraits, sirènes, il y en a pour tous les goûts ! Je découvre des photos de femmes tatouées, célèbres ou non, parmi elles les fameuses Maud Wagner, première tatoueuse connue en Occident qu’on voit sur l’affiche de l’expo et Irene « Bobbie » Libarry, dite « La Belle Irène », qui exhibait ses tatouages dans un cirque parce que oui, à l’époque c’était assez commun et même permettait de bien gagner sa vie !
Toute à mes réflexions, je suis entrée dans un nouvel espace mi-bric à brac, mi-WTF ou un diaporama géant d’oeuvres de tatoueurs côtoyait la machine « Auto Ink » créé par le sculpteur mécanique Chris Eckert et qui permet de s’autotatouer le bras (temporairement hein, tu croyais quoi ?) avec un symbole religieux au hasard. A sa gauche, croyez le ou non, je me suis retrouvée face à un cochon… tatoué !! J’ai vérifié le cartel pour en être bien sûre mais OUI, c’était bien un vrai cochon O_O merci Wim Delvoye, on en reparle plus bas… Ayant pu constater sur une visiteuse/cobaye que les tatouages de la machine n’étaient pas vraiment réussis, j’ai passé mon chemin en suivant une petite musique qui m’a amené jusqu’à une vidéo, regardez la ici ! Ça vous en bouche un coin hein ? Moi j’étais bluffée mais je n’étais pas au bout de mes surprises…
A droite de la vidéo, un mur de dessins de tatouages mais attention, pas n’importe quels dessins, ceux-ci étaient inspirés… des collections du musée ! Les tatoueurs avaient sélectionnés un ou plusieurs objets pour s’inspirer puis en avaient fait des créations originales ! Trop intéressant/foufou/cool, rappelez moi de faire ça quand je dirigerai un musée ! Enfin vous saviez que fin 19ème, le tatouage était pas mal à la mode chez les nobles ? Le roi du Danemark, la reine Victoria, SISSI L’IMPERATRICE qui avait une ancre tatouée sur l’épaule #tulavaispasvuvenircellela ! Un mur de tatouages de scientifiques complétait cet espace intéressant mais un peu hétéroclite.
Comme je voulais voir un maximum du musée et que j’étais arrivée tard à cause de ma grasse mat’, je ne me suis pas arrêtée consulter les livres en grand nombre mis à disposition du public et me suis retrouvée face à… des Barbie et des Playmobils tatoués ! Marrant puisque normalement, chaque tatouage est censé être plus ou moins unique et adapté à la personnalité ou aux réalisations du porteur, non ? Là ils sont juste tirés à plusieurs milliers (millions ?) d’exemplaires exactement identiques…
Juste au dessus des Playmobils bad boys et de Barbie motarde #truestory, une magnifique réalisation vidéo Flesh Color de Masahiko Adachi qui était juste parfaite avec des tatouages japonais qui s’animent pour parcourir les corps de ceux qui les portent, je suis restée scotchée. J’ai ensuite cherché des informations sur l’artiste mais impossible d’en trouver, il aurait participé à l’animation de Porco Rosso d’Hayao Miyazaki, pas étonnant pour quelqu’un qui crée des choses aussi poétiques, j’en aurais bien fait mon must de l’exposition mais en l’absence d’infos… Bref, cette vidéo était la porte d’entrée vers une grande salle centrale qui traitait du matériel du tatoueur et de son évolution, en gros du bout de bois taillé (#douleur) jusqu’à l’aiguille hyper stérile en passant par le bic customisé en prison (à ne pas reproduire chez soi ! #redouleur). Il y avait aussi l’évolution des couleurs de celles anciennes avec cancer/infections diverses assurés à celles modernes, plus sûres et permettant d’obtenir plus de nuances. Je vous avoue que cette partie était intégralement en allemand donc j’ai un peu galéré !
Enfin la dernière salle était presque entièrement consacrée à des vidéos témoignages de personnes parlant de leur premier tatouage et de pourquoi et comment elles se l’étaient fait faire. J’en ai écouté un peu mais j’ai très vite laissé tomber parce que je voyais se profiler des images de tatouages japonais ^^ Il s’agissait de la dernière partie de l’exposition, de nouveau très ethnologique puisque les tatouages de yakuzas japonais étaient suivis de tatouages carcéraux russes, de tatouages faciaux birmans ou rituels coréens pour finir sur les inquiétants tatouages de la Mara Salvatrucha, un gang criminel de plusieurs dizaines de milliers de membres à travers le monde. Les témoignages en vidéos des membres emprisonnés faisaient froid dans le dos… #thuglife Il était temps que je termine ma visite, le musée fermait et j’avais juste le temps de filer voir les Samuraïs avant de rentrer !
Le must :
Evidemment un des éléments les plus perturbants de l’exposition (avec les tatouages et témoignages de la Mara Salvatrucha) était ce cochon tatoué assis nonchalamment par terre ! Il s’agit en fait d’un exemple des réalisations du Belge Wim Delvoye. L’artiste qui élève des cochons en Chine (serait-ce parce que ce qui va suivre serait interdit en Europe ??) les tatoue lorsqu’ils sont encore jeunes et pèsent environ 35 kilos. Wim Delvoye ou ses tatoueurs ne travaillent sur le cochon sous anesthésie « que » 2 heures par semaine pour « ne pas les traumatiser ». Wim Delvoye appelle alors son travail de l' »art vivant » puisque les cochons… sont vivants ! Lorsqu’ils atteignent 200 kilos, les cochons sont abattus, ils peuvent être empaillés (d’où ma rencontre perturbante) ou leur peau est gardée, tannée puis encadrée. Inutile de préciser qu’avec ce genre de travaux Wim Delvoye s’est attiré les foudres des défenseurs des animaux. Qu’on le défende ou non, le but de son travail est de questionner : une fois tatoué et nommé, le cochon a une identité, peut-on alors toujours le traiter comme n’importe quel cochon ? Alors, de l’art ou du cochon ?? #lol #blague #rire
Ceci dit, en matière de scandale, Wim Delvoye n’en est pas à son coup d’essai : je n’avais pas fait le rapprochement mais c’est également lui qui a créé Cloaca, la machine à faire du caca qui reproduit le tube digestif humain ! Posant la question de ce qu’est une oeuvre d’art, il a aussi créé des engins de chantiers en bois travaillés comme des édifices religieux, des vitraux aux motifs pornographiques, des nichoirs à oiseaux recouverts d’accessoires sado-masochistes. Un artiste dont il vaut mieux éviter de parler le dimanche en famille donc. Son travail est à découvrir ici et rien que la page d’accueil vaut déjà le détour :) Si tu es un enfant ou un membre de la Manif pour tous, tu ne devrais pas cliquer #conseildami
Les + :
+ Beaucoup d’ethnologie, j’ai trouvé ça vraiment bien de cadrer directement l’exposition en faisant référence aux peuples qui se tatouent de façon traditionnelle, ça posait bien le fait qu’on ne parle pas d’un phénomène récent comme on pourrait le penser parfois… Et la phrase de Claude Lévi-Strauss était idéale, tout dire en peu de mots !
+ L’idée de mettre en relation les collections du musée et les tatoueurs m’a parue super pertinente. Enfin une initiative qui montre que les objets de musée ne sont pas juste des vieux trucs à regarder dans le silence mais qu’ils peuvent aussi à l’occasion inspirer et aider à la création !
+ Un livret était disponible à l’entrée de l’expo avec des photos des œuvres en couleurs, beaucoup des textes y étaient aussi. Ces supports sont vraiment bien, déjà sur place en cas de foule, ça permet de lire sans s’agglutiner à 20 autour d’un mini-panneau et puis en plus, une fois rentré c’est super pour se souvenir de ce qu’on a vu, des noms des artistes qu’on a aimé etc.
+ Maintenant je sais que si je me fais tatouer, je veux que ça soit par Thea Duskin ou alors par les tatoueurs de 2 Spirit Tattoo ! Enfin je vais commencer par économiser un peu…
+ Il y avait plein de Playmobils, et moi, j’adore les Playmobils ! Il y avait des sculptures des Playmobils géants en céramique tatoués comme des yakuzas et même des Playmobils bad boys avec des bouteilles d’alcool vides, que demander de plus… A part peut-être, qui a déjà offert ça à un enfant ?
Les – :
– J’ai trouvé l’exposition un peu confuse, j’ai particulièrement eu du mal à voir où les concepteurs voulaient en venir en passant directement des vieux dockers tatoués à un cochon empaillé, sans parler des tatouages scientifiques à côté de Zombie Boy en plein démaquillage. Comme je l’ai dit, un peu bric à brac du tatouage par moment.
– Les marins étaient là, les criminels aussi, mais où étaient les prostituées ? Il me semble pourtant que la prostitution aussi a une longue histoire avec le tatouage, rien qu’en commençant par la marque médiévale au fer rouge jusqu’à l’affirmation d’une vie marginale, ou encore les filles qui se retrouvent aujourd’hui tatouées de force au nom de leur mac… En plus à Hambourg, le thème aurait vraiment eu du sens puisqu’à 3,4 km du musée se trouve quand même une rue interdite aux femmes et dédiée à la prostitution…
Tattoo au Museum für Kunst und Gewerbe [Musée d’art et d’industrie] de Hambourg – Du 13 Février au 6 Septembre 2015
Temps de visite : Longtemps, l’exposition était assez dense avec beaucoup de texte, j’ai du y rester environ 2h ou 2h30.
Prix : 10€ pour l’accès au musée dans son intégralité, qui est énorme, mieux vaut prendre sa demi-journée !
Plus d’informations par ici !
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